Gâchés
Le jour s’est levé. Il fait bon dehors. Frais. Le ciel est bleu. Avec des nuages. C’est joli. Je suis bien là. J’aimerai avoir la force de me jeter. Mais non. Je regarde. C’est une autre force que j’ai.
J’ai envie de tout accepter. Il faut accepter on m’a dit. Il faut. Moi aussi. Je me suis dit. Mais je ne sais pas comment faire. Ça on ne me l’a pas dit. Tout le monde sait qu’il faut. Mais personne ne sait comment. C’est plutôt drôle. En fait. Je suis bien là. Je veux tout accepter. Tout. Les enfants dans le monde. Tout. Nier. C’est ça accepter ? Nier ? Je ne comprends rien. Rien de rien.
Je lui avais dit que le bébé était mort étouffé par le sperme de son grand-père qui l’avait violé. Impossible. Oui c’est sûr. Eux ils acceptent. Ceux pour qui c’est impossible. Ils acceptent. Fermer les yeux. C’est ça. Je comprends. Il faut que je ferme les yeux. C’est pour ça que j’ai mal. Les plus beaux yeux du monde. Ce serait du gâchis. Du gâchis. Accepter. Cet enfant. Et celui là. Celui-ci. Et encore celui-là... Gâchés.
Je ne peux plus. Comment est-ce possible ? De ne plus pouvoir. Et de continuer à respirer. D’avoir le coeur qui bat. Le sang qui circule ? Ça devrait suffire à arrêter la vie.
Abîmé. Je suis abîmé. Est-ce que ça se répare ? Je suis une machine après tout. Une machine sophistiquée. Il n’y a pas d’âme. Assemblés. Connectés. Déchirés. Nous sommes des jouets. Cassés. Jetés. Il n’y a pas de miracle. Des machines. Des machines sophistiquées.
Des mots. Ce sont des mots. Je m’en fous. Je voudrais crier. Tout ce gâchis. Parfois je ne peux plus. Parfois je trouve que c’est drôle. Tous ces yeux fermés. Tous ces mots. Tous ces enfants. Moi. Vous. Gâchés.
(Ecrit et publié le 27 août 2005)